« Misericordiae Vultus » (le visage de la miséricorde)

Quelques extraits de la BULLE D’INDICTION DU JUBILÉ EXTRAORDINAIRE DE LA MISÉRICORDE.

 

  1. Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4) après avoir révélé son nom à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6) n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments. Lorsqu’est venue la « plénitude des temps » (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui le voit a vu le Père (cf. Jn 14, 9). A travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne, Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu.

 

  1. Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché.

 

  1. Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace. (…)

 

  1. La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Eglise. Dans son action pastorale, tout devrait être enveloppé de la tendresse par laquelle on s’adresse aux croyants. Dans son annonce et le témoignage qu’elle donne face au monde, rien ne peut être privé de miséricorde. La crédibilité de l’Eglise passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. L’Eglise « vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde ». Peut-être avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part, la tentation d’exiger toujours et seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Eglise doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif. D’autre part, il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaître. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance.

 

  1. L’Eglise a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Evangile, qu’elle doit faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous. L’Epouse du Christ adopte l’attitude du Fils de Dieu qui va à la rencontre de tous, sans exclure personne. De nos jours où l’Eglise est engagée dans la nouvelle évangélisation, le thème de la miséricorde doit être proposé avec un enthousiasme nouveau et à travers une pastorale renouvelée. Il est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père.

La vérité première de l’Eglise est l’amour du Christ. L’Eglise se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde.

 

  1. Nous voulons vivre cette Année Jubilaire à la lumière de la parole du Seigneur : Miséricordieux comme le Père. L’évangéliste rapporte l’enseignement du Christ qui dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix. Le commandement de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix (cf. Lc 6, 27). Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie.
  2. Au cours de cette Année Sainte, nous pourrons faire l’expérience d’ouvrir le coeur à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes, que le monde moderne a souvent créées de façon dramatique. Combien de situations de précarité et de souffrance n’existent-elles pas dans le monde d’aujourd’hui ! Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches ! Au cours de ce Jubilé, l’Eglise sera encore davantage appelée à soigner ces blessures, à les soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention. Ne tombons pas dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté, dans le cynisme destructeur. Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et soeurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme.

 

J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces oeuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les oeuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les oeuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

 

Nous ne pouvons pas échapper aux paroles du Seigneur et c’est sur elles que nous serons jugés : aurons-nous donné à manger à qui a faim et à boire à qui a soif ? Aurons-nous accueilli l’étranger et vêtu celui qui était nu? Aurons-nous pris le temps de demeurer auprès de celui qui est malade et prisonnier ? (cf. Mt 25, 31-45). De même, il nous sera demandé si nous avons aidé à sortir du doute qui engendre la peur, et bien souvent la solitude; si nous avons été capable de vaincre l’ignorance dans laquelle vivent des millions de personnes, surtout des enfants privés de l’aide nécessaire pour être libérés de la pauvreté, si nous nous sommes faits proches de celui qui est seul et affligé; si nous avons pardonné à celui qui nous offense, si nous avons rejeté toute forme de rancœur et de haine qui porte à la violence, si nous avons été patients à l’image de Dieu qui est si patient envers nous ; si enfin, nous avons confié au Seigneur, dans la prière nos frères et sœurs. C’est dans chacun de ces « plus petits » que le Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin. N’oublions pas les paroles de Saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour».

 

Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 11 avril Veille du IIème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde, de l’An du Seigneur 2015, le troisième de mon pontificat.

Franciscus