Homélie de la messe du 146ème anniversaire de l’Apparition

Basilique Notre-Dame de Pontmain – Mardi 17 janvier 2017

 

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

En lisant le récit de l’apparition de la Vierge Marie aux enfants de Pontmain, j’ai été frappé par le fait que Marie les conduisait jusqu’au cœur de l’Évangile. Elle les appelle à la confiance en leur disant : « Mon fils se laisse toucher ». Elle les invite à contempler le cœur miséricordieux de Jésus, ce cœur qui se laisse toucher par les attentes et les souffrances des hommes. Saint Matthieu nous dit : « Voyant les foules, il (Jésus) fut pris aux entrailles (fut pris de pitié pour elles), parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 9, 36). Cet amour du Christ va jusqu’au don de soi et jusqu’à la mort de la croix. Oui, il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime (cf. Jn 15, 13). Et le signe suprême de cet amour est le cœur transpercé du Seigneur, celui du crucifix fixé à cette grande croix rouge que Marie tient dans ses mains vers la fin de l’apparition. Alors se révèle dans sa pleine lumière l’amour de Dieu pour nous.

 

Tu es aimé. Laisse—toi aimer

 

Oui, la parole que le Seigneur adressait à son peuple par la bouche du prophète Isaïe était une parole d’amour : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » (Is 43, 4). Et dans l’Évangile, Jésus vient dire à chacun : « Tu es aimé. Qui que tu sois, quel que soit le jugement que les autres portent sur toi et que tu peux  porter sur toi—même à certains jours, dis-­toi que tu es aimé. Tu es aimé gratuitement. Tu es le fils, la fille bien—aimé(e) du  Père.  Laisse—toi  aimer.  Laisse  cet  amour  t’éclairer,  t’habiter,  demeurer  en  toi.  Et  tu feras l’expérience que cet amour est une force étonnante de transformation intérieure. Il t’établira dans la confiance, dans la paix. Il te donnera des raisons de vivre, d’espérer et d’aimer. Il te guérira de blessures secrètes, il te fortifiera, il te donnera force et courage. Il t’apprendra à ton tour à aimer. Car, si tu es aimé, tu es invité à entrer dans cette dynamique de l’amour. Tu es invité toi—même à aimer, à aimer comme le Seigneur, non pas dans la logique du donnant-­donnant, mais gratuitement et généreusement ».

 

Dieu nous offre son amour

 

En nous communiquant son Esprit, Jésus vient nous donner son amour. Chaque jour, il nous dit, comme dans l’Apocalypse de Saint Jean : « Voici que je suis à la porte et je frappe. Chez celui qui entend ma voix et qui m’ouvre, j’entrerai et nous mangerons en têteàtête, lui avec moi et moi avec lui »  (3,  20).  Quand  Jésus  vient,  il  apporte  tout.  Il  offre cette formidable puissance de transformation. A Cana, à la demande de Marie, il change l’eau en vin. Aujourd’hui, dans nos vies, il change nos cœurs secs, fermés, indifférents en cœurs aimants, chaleureux, bienveillants et miséricordieux. Frères et sœurs, dans ce pèlerinage,  ouvrons  nos  cœurs  au  Seigneur  et  laissons—nous  habiter  davantage  encore par le souffle de son amour

 

La découverte d’être aimé au cœur de la mission

 

Frères et sœurs, sachons également annoncer cet amour du Seigneur, témoigner de lui. Ayons à cœur d’inviter à entrer dans cette expérience de l’accueil de l’amour du Seigneur. Combien de jeunes ont besoin aujourd’hui de se sentir aimés. Ils se demandent souvent s’ils sont aimés. Ils ont parfois du mal à avoir confiance, confiance en eux, confiance dans les autres, confiance en Dieu. Découvrir qu’ils sont aimés, chacun, personnellement, par le Seigneur est vital pour eux. Dieu leur dit : « Vois, je t’ai gravé(e) sur les paumes de mes mains » (Is. 49, 16). Ils peuvent grandir dans la confiance parce  que Dieu les aime et a confiance en eux. Bien sûr, cela suppose qu’il y ait auprès d’eux des adultes qui soient signes et témoins de cet amour de Dieu. Toute la pastorale des jeunes a là sa motivation la plus essentielle.

 

Cette expérience de transformation profonde du cœur par l’amour du Seigneur, les catéchumènes adultes en témoignent avec beaucoup de fraîcheur. Ces hommes et ces femmes qui demandent le baptême ont vécu très souvent une expérience de conversion et ils nous affirment que cette fréquentation du Christ et de l’Évangile a bouleversé leur vie. Ils nous disent : « Nos yeux se sont ouverts », « Je ne vois plus la vie comme   avant »,

« Je suis surpris par le visage de tendresse de Dieu, du Christ, de Marie », « J’ai découvert l’importance du pardon, de l’attention portée à tout homme, de l’universalité de l’amour auquel on est appelé ». Ces futurs baptisés nous invitent à accueillir l’Évangile avec un regard neuf et à nous laisser renouveler dans notre foi, nous, les chrétiens de plus vieille date.

 

Être des disciples — missionnaires de l’amour du Christ

 

C’est cet amour que nous avons à annoncer aujourd’hui à frais nouveaux. Le pape François nous y invite avec force et conviction. Dans son exhortation La Joie de l’Évangile il écrit : « En vertu du baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire…Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu    en    Jésus    Christ ;    nous    ne    disons    plus    que    nous    sommes    « disciples » et  « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciplesmissionnaires » (n° 120). Le pape nous dit qu’on ne peut avoir le cœur touché par l’amour du Christ, sans vouloir aussitôt le faire connaître et le faire aimer. Et il ajoute : cet amour change la vie. N’oublions pas qu’avec le Seigneur chaque acte d’amour posé dans notre vie la plus quotidienne a un poids de vie éternelle et qu’il est une fenêtre ouverte sur l’éternité.

 

Notre monde a un tragique besoin d’amour

 

Notre monde a un tragique besoin d’amour. Beaucoup se heurtent dans notre société à des portes fermées, à des fenêtres fermées, à des cœurs de pierre, à des esprits indifférents : des chômeurs, des personnes seules, des pauvres, des sans domicile fixe, des migrants, des réfugiés…Comme dit la pape François : nous bâtissons souvent plus de murs que de ponts. Oui, pour que des portes s’entrouvrent, il faut que les cœurs s’ouvrent eux aussi. Nous avons besoin pour cela de l’aide de Dieu, du secours de l’Esprit Saint. C’est lui qui transforme nos cœurs de pierre en cœurs de chair, en cœurs capables d’aimer. Le cœur de chair, c’est le cœur accueillant, hospitalier, compatissant et miséricordieux, c’est le cœur bienveillant, fraternel et solidaire, profondément attaché à la réconciliation et à la paix entre les hommes. Il n’y a de salut que dans l’amour !

 

A  Pontmain,  la  Vierge  Marie  invite  à  la  prière :  « Priez mes enfants »  dit—elle.  Oui,  c’est dans la prière que nous grandirons dans la confiance et l’espérance : « Dieu vous exaucera en peu de temps ». Alors demandons au Seigneur, à l’intercession de la Vierge Marie, de savoir grandir dans cet amour qu’il nous donne. Comme dit Saint Paul, si nous sommes vraiment « enracinés et fondés dans l’amour » (Eph. 3, 17), il nous sera alors donné d’être habités par la joie de l’Évangile, cette joie qui a un goût d’éternité. Amen.

 

JeanPierre cardinal RICARD
Archevêque de Bordeaux