Le Père Pedro, l’insurgé de Madagascar.
Sur les pas de saint Vincent de Paul, Pedro Opeka vit depuis 44 ans dans la grande île d’Afrique. À la tête d’une véritable ville, où 20.000 déshérités retrouvent une vie digne, grâce à son association Akamasoa, le religieux lazariste appelle, entre espérance et colère, à rejeter la « mondialisation de l’indifférence ».
À Akamasoa, la décharge transformée en « oasis d’espérance ».
Nous sommes le 20 mai 1989. Pedro Opeka est déjà missionnaire à Madagascar depuis 14 ans, où il officie en brousse à Vangaindrano dans l’un des hameaux les plus déshérités de l’île. « J’étais tombé très malade, je ne pouvais plus me tenir debout devant tant de misères et de souffrances. Je me suis dit que j’allais quitter Madagascar. Mais à ce moment-là, ma communauté m’a proposé une nouvelle mission dans la capitale, Tananarive », se souvient le Père Pedro. « Ce que j’ai vu dans la décharge m’a fait basculer dans l’horreur ». Depuis 1985, le gouvernement centralise tous les déchets à la sortie de la ville dans une immense décharge à ciel ouvert, où les pauvres, au milieu des animaux, viennent récupérer le moindre bout de tissu, des piles usagées ou de la ferraille, tout objet susceptible d’être revendu dans la rue. Les enfants, pieds nus, arpentent ces montagnes de détritus.
« Je me souviens du choc. Ce n’est pas possible que des enfants puissent vivre une vie si inhumaine. Ce sont eux qui m’ont fait me révolter. Ce soir-là, je ne pouvais pas dormir, je me suis mis à genoux sur mon lit et j’ai demandé à Dieu de m’aider ». Le lendemain, le Père Pedro revenait à la décharge, organisait un goûter avec les enfants, puis formait une école sous un arbre. En décembre de la même année, il lançait l’association Akamasoa, « les bons amis en malgache».
« Aujourd’hui, quand je vois cette ville de loin, je me dis, qui a bien pu faire çà ? Je n’arrive pas à y croire ! », lance le religieux. Après presque trente ans d’existence, Akamasoa n’est plus une simple association de lutte contre la pauvreté. Les « bons amis » forment désormais une véritable ville ou plutôt une réunion de 18 villages, qui rassemblent plus de 20.000 pauvres de Madagascar, avec des maisons en brique, mais aussi des stades, des écoles et des dispensaires. « De cette montagne de déchets, nous en avons fait une oasis d’espérance », lance le Père Pedro, qui se souvient des premières maisons construites. « Tout a commencé par une brique! », lance celui dont le père, immigré slovène, est devenu maçon en Argentine.
« On n’assiste pas, on aide ! »
Après l’habitat, le travail et l’éducation sont les deux pierres angulaires, car à Akamasoa, «on n’assiste pas, on aide». Les adultes travaillent, les enfants vont à l’école. La philosophie ? « Un toit, un travail, une éducation pour retrouver sa dignité ».
Jusqu’à 10.000 personnes à la messe du dimanche.
Le travail ne s’arrête jamais, mais le dimanche, le temps est aussi consacré à la prière. « Cette messe est un miracle », lâche le Père Pedro, qui, ému, voit chaque semaine, à six heures du matin, plusieurs milliers de personnes – jusqu’à 10.000, dont une écrasante majorité de jeunes gens – se rassembler dans un hangar, transformé en gigantesque cathédrale à ciel ouvert. La liesse est de rigueur. « Nous, on prend trois heures pour dire la messe ! On prend le temps de prier, de chanter, de se regarder », explique-t-il, exalté. Même les touristes, « qui ne voient pas le temps passer », investissent les lieux.
Peut-on parler d’évangélisation dans ce pays déjà majoritairement chrétien, où les traditions animistes sont par ailleurs toujours ancrées ? Le religieux lazariste de répondre : « Quand j’ai commencé à travailler avec eux, ils m’ont dit ‘Mais mon père, tu es prêtre. Pourquoi ne baptises-tu pas nos enfants?’ Je suis allé voir le cardinal de Tananarive, qui m’y a autorisé et m’a donné cette paroisse, où tous les sans-abri sont mes paroissiens. Au début, chaque semaine, nous étions cinquante personnes à prier tous les dimanches, aujourd’hui, nous sommes des milliers ».
Le Père Pedro sera à Pontmain le vendredi 8 juin 2018 à 20 h – salle Périscolaire, rue de l’Abbé Guérin. Entrée libre. Venez nombreux !