Laisser le Christ nous habiter
Suranné et insignifiant Carême ?
Actuel et vivifiant Carême ?
Nous étions le 19 février 2021. Et ce 1er vendredi de Carême a produit un déclic dans ma vie spirituelle. Je me suis rappelé une parole de la Sainte Écriture : « Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais. » (Isaïe 58, 6-7, 10-11).
J’ai alors posé deux gestes. D’abord, en pensant aux personnes âgées privées de visites et de messes, j’ai écrit aux directrices des trois EHPAD de la paroisse, en espérant que nos équipes d’aumônerie puissent mieux apporter une présence chaleureuse et un soutien moral aux résidents. Ensuite, en pensant aux mamans en situation de pauvreté et de solitude qui accueillent la naissance d’un enfant, à titre personnel j’ai envoyé un mandat de prélèvement mensuel à la Fondation Magnificat Accueillir-la-Vie dont une des maisons est à Laval.
« Faire le Carême » : et puis quoi encore ?
En Carême, l’enjeu n’est pas de « faire » ou de « ne pas faire », mais de retrouver davantage de liberté intérieure. Au désert, le Christ a mené un combat spirituel dont il est sorti victorieux. À sa suite, il ne s’agit pas de faire des efforts par nos propres forces humaines mais de laisser le Christ nous habiter en nous tenant à l’écoute de l’Esprit Saint. Le temps du Carême est un temps autre qui incite à une mise à l’écart pour faire silence et être ainsi réceptif à la Parole de Dieu.
La durée du Carême – quarante jours sans compter les dimanches de Carême qui ne sont pas jours de privations – fait en particulier référence aux quarante années passées au désert par le peuple d’Israël entre sa sortie d’Égypte et son entrée en terre promise ; elle renvoie aussi aux quarante jours passés par le Christ au désert entre son baptême et le début de sa vie publique. Ce chiffre de quarante symbolise les temps de préparation à de nouveaux commencements. L’itinéraire du Carême, comme l’itinéraire chrétien, est déjà entièrement placé sous la lumière de la Résurrection, qui inspire les sentiments, les attitudes ainsi que les choix de ceux qui veulent suivre le Christ.
Pas de Carême sans l’Espérance.
Lorsqu’il évoque sa passion et sa mort, Jésus annonce déjà l’espérance en disant : « Le troisième jour, il ressuscitera » (Mt 20, 19). Jésus nous parle de l’avenir grand ouvert par la miséricorde du Père. Espérer, avec lui et grâce à lui, c’est croire que l’histoire n’est pas fermée sur nos erreurs, nos violences, nos injustices et sur le péché qui crucifie l’Amour. Espérer, c’est puiser le pardon du Père de son Cœur ouvert. Le pardon de Dieu permet de vivre une Pâque de fraternité aussi à travers nos paroles et nos gestes.
Pendant ce Carême, appliquons-nous à dire « des mots d’encouragements qui réconfortent qui fortifient, qui consolent, qui stimulent » au lieu de « paroles qui humilient, qui attristent, qui irritent, qui dénigrent » (Encyclique du pape François ‘Fratelli tutti,’ du 3 octobre 2020, n° 223). Parfois, pour offrir de l’espérance, il suffit d’être « une personne aimable, […], qui laisse de côté ses anxiétés et ses urgences pour prêter attention, pour offrir un sourire, pour dire une parole qui stimule, pour rendre possible un espace d’écoute au milieu de tant d’indifférence » (ibid., n° 224).
Le Carême est aussi l’occasion de devenir plus attentifs à nos habitudes de consommation pour prendre soin de notre « Maison commune ».
Père Jean-Marie VERON