La voix du ciel
Dans l’1 visible N°56 Février 2015
Rencontre. Après sa qualification, puis sa victoire, au télé-crochet The Voice Italie, sœur Cristina n’a qu’un leitmotiv: annoncer l’Évangile dans l’univers pop, « pour la gloire de Dieu ».
Propos recueillis par Emmanuel Querry
Le 19 mars 2014, dans l’émission The Voice Italie, le public découvre sœur Cristina, et n’en revient pas: il hurle de joie en voyant cette jeune religieuse s’époumoner sur le titre pop No One d’Alida Keys. Les quatre membres du jury de l’émission se retournent les uns après les autres, sans savoir que c’est une nonne en habit qui chante. Cris de surprise et d’enthousiasme, larmes de joie: le buzz planétaire est lancé. Sa victoire au mois de juin a été le point d’orgue d’une année folle. À la conquête du monde avec son premier album sorti en novembre, sœur Cristina semble être la réincarnation de Sister Act. En phase avec la parole de l’Évangile de Matthieu: « Allez, faites de toutes les nations des disciples», son don et sa fougue touchent les cœurs.
Revenons à ce moment incroyable, lorsque le jury de The Voice s’est retourné. Qu’avez-vous ressenti? Cela m’a donné une énergie incroyable et l’envie de donner encore plus grâce à cette énergie que j’avais à l’intérieur de moi. C’était vraiment inattendu d’avoir de telles réactions et surtout je ne m’attendais pas à être si explosive, ni à tout cela en fait. En réalité, je ne pensais pas que le jury se retournerait. Je pensais qu’il y aurait une réaction mais pas si forte.
Qu’est-ce qui a touché le jury et le public, selon vous? Je pense que dès les premières notes, les gens ont ressenti mon message au-delà de la musique pop. Un message d’ouverture, une chose nouvelle, une chose belle et donc je suis très contente de cela.
Quelle a été la réaction de votre famille? Alors il faut déjà expliquer que depuis que je suis religieuse, j’ai quitté ma famille pour ma communauté religieuse. Et mes consœurs étaient là à ce moment-là pour me soutenir. Mais lors de la première audition, il y avait aussi mes parents. Ils me soutiennent depuis toujours et même dans cette expérience un peu différente, ils m’ont bien encouragée.
C’est la mère supérieure de votre couvent des religieuses ursulines qui vous a donné l’autorisation de participer à The Voice. Était-ce un risque pour elle et la congrégation ? Oui, c’est un choix courageux de la part de la mère supérieure certainement. Mais elle a confiance en moi et surtout elle croit en la manière dont moi appel à la vie religieuse est arrivé, c’est-à-dire po le chant. Ensuite elle a pensé que ce serait bien d mettre ce don au service de la communauté, pour témoigner de la joie de l’Évangile.
Avez-vous beaucoup de témoignages de personnes touchées par votre démarche, au point de revenir dans l’Église? Oui, je peux témoigner du fait que je reçois déjà beaucoup de lettres, de mails, et dès que les gens m’ont vu dans The Voice, un groupe sur Facebook a même été créé, dans lequel les gens se réunissent pour prier et ainsi ils se relient à nouveau à Dieu.
Votre but est donc de toucher les personnes qui sont éloignées du Christ? C’est ce qu’a demandé le pape François. C’est lui qui nous invite à aller vers les périphéries existentielles pour évangéliser. Ce message est d’une grande aide. C’est le pape lui-même qui ouvre le chemin. Moi j’ai juste mis mon don au service de ce qu’il a dit. Depuis, il y a des gens qui se sont convertis et d’autres qui se sont rapprochés de Dieu.
Vous-même, vous n’avez pas toujours été croyante… J’ai grandi dans une famille qui vivait les valeurs chrétiennes et qui m’a transmis car j’étais pratiquante, petite, j’ai même été enfant de chœur. Mais à l’adolescence, j’ai eu une sorte de rébellion et je ne voulais plus aller à la messe dominicale imposée par ma mère. Je voulais comprendre pourquoi il fallait aller à la messe. Je faisais tout autre chose, j’avais décidé que je voulais chanter. Je chantais sur les places, dans les piano-bars. J’étudiais le chant. Pour moi, j’avais envie d’arrêter les études alors que je préparais un diplôme de comptabilité. Je faisais tout sauf croire en Dieu. J’étais un peu fâchée avec Dieu. Il s’était passé des choses dans ma famille et je m’en prenais à lui en fait.
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a rapprochée de Dieu, au point de devenir religieuse? Un jour, on m’a demandé d’interpréter le rôle de sœur Rosa dans un music-hall, et j’ai accepté. Mais au départ, j’ai joué ce rôle avec un certain détachement. Je n’étais pas vraiment impliquée, car cela parlait de sœurs, de prêtres, de Dieu, dont je ne voulais pas entendre parler. Ce rôle a été une grande opportunité pour moi. Je ne savais pas qu’ensuite Dieu se servirait de ce personnage, du chant et de la danse, pour me bouleverser et m’apporter un message par lequel il m’appellerait à donner ma vie pour lui.
Entre les plateaux de télévision, les interviews, les concerts: comment arrivez-vous à conserver votre discipline religieuse? Tout d’abord, il faut dire que ma vie spirituelle, ma vie consacrée, avec tous ses moments et surtout l’accompagnement de ma famille religieuse et de mes consœurs, est une priorité. Ma vie de religieuse passe avant tout. Tout ce que je fais, c’est toujours pour Dieu, pour la gloire de Dieu. Je peux voyager, je peux chanter, je peux parcourir le monde, ce n’est pas la chose que je fais qui importe mais comment je le fais, comment je le vis. Tout ce que je fais, c’est pour témoigner du message de Dieu.
Le 18 février prochain, ce sera le Mercredi des Cendres qui marque le début du Carême: qu’est-ce que cela représente pour vous? Le Carême est un temps de conversion, c’est un moment fort de l’Église, et dans ces moments forts, Dieu et, l’Église nous donnent la possibilité de nous remettre sur le chemin, sur le chemin de Dieu. Le Carême est un temps de conversion important, aussi bien pour nous chrétiens qui ne sommes jamais arrivés au bout, car chaque jour qui passe est un temps de conversion, que pour celui qui ne connaît pas encore Dieu.
En quoi le temps du Carême est-il également adressé aux personnes éloignées de la foi?
Dieu parle à ceux qui sont éloignés de l’Église. Pendant le Carême, il frappe à leur porte et leur dit: « Voilà, la porte est ouverte. » Il1eur donne une nouvelle possibilité de pousser la porte pour être accueillis par lui. Accueillir, c’est la vraie loi de Dieu, c’est la loi de l’amour, la loi de l’accueil.
Quel est le plus beau moment que vous avez vécu cette année? Peut-être que le plus beau moment, je pourrais dire que c’est le 29 juillet quand j’ai renouvelé mes vœux pour le Christ. À cette occasion, j’ai rencontré toutes les sœurs, c’était vraiment un très beau moment parce que j’ai pu revoir ma famille et c’est rare qu’on puisse se réunir comme ça, et se retrouver tous. Je pourrais aussi citer le moment de la « blind audition », parce que c’était un moment complètement différent de ma vie, et je me suis demandé à un moment: « Mais qu’est-ce que je fais là? » Seulement pendant les répétitions, puisqu’après j’ai continué. Voilà, c’était aussi un moment très particulier.
Qu’est-ce que cette nouvelle expérience vous a apporté? Durant la période de préparation du disque, j’ai dû faire plein de choses que je ne fais pas d’habitude: apprendre l’anglais, prendre de plus en plus de cours de chants. Donc c’était un très beau moment parce que ça m’a permis aussi de pouvoir vendre le CD pour un bel objectif, avec un message et surtout pour aider d’autres personnes, car les bénéfices du disque seront reversés aux œuvres.